« Seulement si Shiva est uni à la Shakti, devient-il capable de créer le monde, sinon il n’aurait même pas la faculté de vibrer. »
-Shankaracharya, Saundarya Laharî
Mère Kālī, forme terrible de Sakti qui, à son tour représente le principe féminin de Siva est la Mère de la vie, la Mère de la mort. Cette forme destructrice et effrayante de la grande divinité est si importante que les fidèles finirent par la considérer comme une déesse à part entière. Pourtant, Kālī la noire est essentiellement l’une des incarnations de la puissance primordiale de Sakti, aux côtés de Dūrga la rouge et de Sarasvatī la blanche. Ces formes de la déesse se manifestent à des moments différents de notre évolution spirituelle. Où lors d’épreuves précises durant lesquelles le caractère unique de la déesse doit émerger. Un message de la divinité s’incarne comme le repère, l’impénétrable, le pilier invisible.
Le jeu de Kālī
Celle qui protège
La noire
La terrible
Celle qui terrifie la terreur
De ‘Kāla’ - Le temps ; Celui qui détruit toute chose
La puissance du temps
Celle qui est le temps
La Mère du temps
Celle qui dévore le temps
Ou encore
De ‘Kāla’ – Le noir ;
La Noire
La Mère du temps Noir
Elle est la force qui détruit le Mal et protège ses dévots. Ceux-ci voient en elle l’essence de la Mère aimante. Mère de toute chose. Son aspect terrible est perçu comme une forme de protection. Celui ou celle qui vénère Kālī sera libéré de la peur de la destruction, de la peur de la mort. Puisque la mort n’est pas simple disparition. De la mort émerge une vie nouvelle. Ainsi pourrait-on dire que la mort est la naissance du renouveau.
« Je transforme »
Ses bras représentent le cycle du temps, le cycle mort-naissances
L’une de ses mains accorde la protection, tandis que l’autre main adopte le Abhaya Mudra signifiant en sanskrit « absence de la peur, paix, sécurité »
Son épée évoque son pouvoir de destruction.
Vêtue de ciel, seule Māyā la couvre. Lorsque l’univers est détruit, l’infini, la vie elle-même est dénuée d’artifice.
Son cou est orné d’un collier de 51 têtes représentant les 51 lettres de l’alphabet Devanāgari (Sanskrit), ce qui lui vaut le titre de reine des Mantras.
Ses trois yeux représentent le passé, le présent, le futur.
La danse de la destruction
Lorsqu’elle terrifie la terreur, la Mère met le Monde en péril.
Au pied de la grande déesse est couché le Seigneur Siva, l’Absolu sans forme, l’Esprit éternel.
La danse terrifiante de la Mère n’est qu’une apparence de réalité.
Derrière l’apparence de la catastrophe, de la mort et du mouvement se cache une réalité absolue : celle de l’Esprit éternel, de l’Ultime réalité. La Voie transcendantale et le voyage cosmique.
Sans se défaire de l’illusion de l’ego, la Mère ne dansera pas dans notre cœur.
Lorsque l’un médite sur la réalité comme conscience Absolue, il médite sur le Seigneur Siva. Sans les activités de Créations, Préservation, Destruction.
Lorsque l’un médite sur les réalités comme créativité en mouvement (le contenu Absolu de la conscience Absolue), il médite sur Kālī (ou Sakti). Avec les activités de Créations, Préservation, Destruction.
Néanmoins, dans les deux cas, le méditant ne s'unit qu’à une seule et même réalité. La seule différence réside dans l’aspect changeant des apparences. Puisque derrière l’apparence de réalité réside la réalité Absolue. Ainsi, l’absence de réalité est la réalité elle-même.
"Shiva is Shakti. Shakti is Shiva. Nothing is Everything and Everything is Nothing."
- Shivambika
"Shiva est Shakti. Shakti est Shiva. Rien n'est tout et tout n'est rien."
[Traduction libre]
Le Temps
Siva est sans vie lorsque Kālī est manifeste. Siva est inerte lors de son union avec Sakti. Sans Sakti, le Seigneur est paralysé.
Le Temps rythme notre existence. Kāla est le Temps absolu qui tourne infiniment sur lui-même dans un éternel retour. Sans Kāla, la condition essentielle au mouvement, la vie n’existe pas. Kāla est l’essence même de tout ce qui existe. La Force suprême (Sakti) du Temps (Kāla) est Kālī : le souffle de la vie.
Afin de laisser entrer le nouveau, nous devons laisser partir l’ancien. Afin d’inviter la vie, nous devons accepter la mort. Toute forme de création est inséparable du cycle de destruction. Kālī, la grande déesse de la destruction nous accompagne à laisser derrière nous l’attachement et l’attitude égotique. Elle nous invite à mourir à tout ce que l’un était hier. Mourir aux soucis, aux ambitions, aux rêves qui paralysent notre pensée. Mourir à l’amour. Mourir à la haine. Naître aujourd’hui et vivre l’instant.
Source : Jean Letschert, Le Temple intérieur, Trigramme Ed Du, 1993